Itinéraire d’un jardin expérimental au sein d’un foyer de travailleurs migrants

 

Il y a quelques mois, un travailleur social de Coallia a contacté Vergers du Monde concernant l’installation de jardins partagés au sein des résidences Coallia. Coallia est un groupe associatif qui intervient dans plusieurs domaines, notamment dans le logement et l’accompagnement social des travailleurs migrants. Dans le cadre de leurs activités, les travailleurs sociaux proposent également des activités culturelles. C’est dans ce cadre qu’un partenariat est né entre Vergers du Monde et la résidence sociale Coallia de Drancy.

 

Des agriculteurs méconnus

La résidence dans laquelle nous intervenons héberge essentiellement des travailleurs venus

d’Afrique de l’Ouest. Les résidents travaillent principalement dans le domaine du bâtiment,

de l’hygiène et des services en France. Pourtant, « au pays », ils sont agriculteurs et cultivent

le maïs, le riz, le millet mais également le piment, l’arachide, le gombo et bien d’autres

choses encore. Ils sont également éleveurs possédant jusqu’à plusieurs centaines de têtes de

bétail. Tout ce qu’ils savent, ils l’ont appris dans les champs et dans la brousse. Ces savoirs

n’ont jamais été reconnus par un diplôme et leur expérience n’est donc pas non plus valorisée

dans leur parcours professionnel en France. C’est alors de la volonté de mettre en valeur ces

savoirs tout en proposant une activité collective au sein de la résidence qu’est né ce projet.

Mais comment parler d’un jardin à des personnes noyées sous les démarches

administratives ?

 

Pratique ou théorie ?

La première étape a été d’informer de la création des jardins et de susciter un engouement

autour. Un tableau de semence a été installé dans les locaux afin que les résidents puissent

choisir ce qu’ils aimeraient planter dans ces jardins. Au début, nous avons eu du mal à cerner

les envies de chacun. Valoriser les savoirs des personnes nécessite un travail long notamment

pour contourner l’auto-censure des résidents qui n’ont quasiment jamais eu l’occasion de

parler de leur activité d’agriculteur et d’éleveur en France. Depuis le début du projet, les

résidents ne cessaient de dire qu’ils ne savaient pas faire et qu’ils avaient tout à apprendre.

C’est quand nous avons commencé à proposer des activités manuelles, à faire concrètement

les choses, que la parole s’est libérée. Quand il a fallu mettre la main dans la terre et planter,

il a suffi de voir leur geste pour voir qu’ils ont l’habitude de cultiver. Combien de graines,

quel taux d’humidité, quelle lumière, quelle chaleur, ce sont des données qu’ils maitrisent.

S’ils n’ont jamais entendu parler de permaculture, ils proposent pourtant des associations

adaptées. Sans jamais parler d’agriculture biologique, c’est ce qu’ils font naturellement.

 

Un jardin partagé, mais partagé pour qui ?

Le projet est lancé et le groupe constitué autour de l’activité ne cesse de grandir. Cependant,

la gestion collective des plantes n’est pas facile dans un espace où personne n’est réellement

chez soi et où des logiques différentes sont à l’œuvre. Il faut donc se poser la question de

l’objectif : expérimenter des savoirs venus d’ailleurs – et donc prendre le risque de se

tromper, que tout ne fonctionne pas tout de suite ; ou proposer un modèle pédagogique à

suivre étape par étape pour être sûre d’avoir un jardin potager fructueux à la fin de l’été ?

L’enjeu des prochaines étapes est donc de continuer à valoriser des savoirs trop souvent

méconnus tout en répondant à la soif de connaissance des résidents. Continuer les jardins tout

en allant à la rencontre d’agriculteurs installés en France semble la route à suivre.

 
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