Les jardins peuvent-ils servir de laboratoire pour les champs ?

 

2024 marque le début d’un nouveau cycle pour Vergers du Monde : celui de l’expérimentation des savoirs écologiques paysans au sein de jardins urbains. L’ADEME, qui nous accompagne dans cette démarche pour le moins ambitieuse, soulève les premiers questionnements : la différence de tailles entre les exploitations agricoles et les jardins peut-elle réellement permettre un transfert de savoirs? Bien que leurs finalités divergent, entre sensibilisation, découverte et productivité, y observera-t-on des phénomènes similaires, à différentes échelles?

 

Jean a été agriculteur toute sa vie. Durant son activité, il a maintenu un petit potager en contrebas de sa maison, dans lequel il cultivait quelques fruits et légumes de saison, pour le plaisir. Aujourd’hui retraité, le potager s’est largement agrandi et on y découvre des espèces atypiques, alimentaires et ornementales, des variétés de carottes anciennes, des kiwis et autres merveilles. Malgré tout l’amour qu’il a porté à son métier, les règlementations changeantes, la lourdeur administrative, les indications des coopératives d’achats et puis l’impératif de production, ont par moments éclipsé le sentiment de liberté qui caractérisait sa profession. Dans son potager, il peut laisser libre cours à sa créativité, sans jugement - sinon celui de son épouse qui observe et participe volontiers.

 

Les jardins et potagers sont d’extraordinaires espaces permissifs et expérimentaux. Dans les villes, les jardins partagés, nés dans les années 1960 aux États-Unis et 1990 en France, et estimés à plusieurs milliers sur l’ensemble du territoire, poursuivent leur croissance. Ces lieux diversifiés permettent aux habitants de dialoguer autour de pratiques jardinières novatrices, tout en échangeant graines et astuces. Majoritairement établis en milieu urbain, certains agriculteurs exilés utilisent ces espaces non seulement pour renouer avec le travail de la terre, mais aussi pour acquérir des connaissances et les partager. Nous souhaitons explorer la possibilité d'appliquer à une plus vaste échelle certains de leurs savoir-faire utilisés dans ces espaces.

 

Indéniablement, les échelles et les types de sols diffèrent entre ces jardins et les champs, tout comme l'agriculture vivrière diffère de l'agriculture de production. Malgré ces disparités, le désir de liberté, qu'il soit exprimé par Jean ou par les jardiniers urbains, demeure le même. C'est cette similitude qui renforce notre conviction que des gestes, des conseils, des techniques, même minimes ou succinctement partagés, peuvent faire la différence dans un contexte aussi changeant que celui actuel. “Cultiver la terre, ce n'est pas suer, souffrir ni arracher, arraisonner. C'est dialoguer, être attentif, prendre une initiative et écouter la réponse, anticiper, sachant qu'on ne peut calculer à coup sûr, et aussi participer, apprendre des autres, coopérer, partager” Joëlle Zask, extrait de La démocratie aux champs.

 
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