Les poiriers anciens du Gansu

 

Sur le plateau loessique du Gansu, dans le nord-ouest de la Chine, des silhouettes élancées se dessinent depuis des siècles au bord du fleuve Jaune : celles des poiriers anciens de Shichuan. Ces arbres, parfois centenaires, plantés sur des terrasses sèches et soigneusement entretenus par les paysans locaux, viennent d’obtenir une reconnaissance internationale : en mai 2025, la FAO a inscrit ce système traditionnel au programme des Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM/GIAHS). Cette labellisation ne vient pas seulement honorer un fruit ou une variété : elle consacre tout un mode d’agriculture, où se mêlent savoir-faire, organisation sociale, écologie et histoire locale.

 

Quand l’agriculture devient patrimoine

Le programme SIPAM lancé par la FAO en 2002 a pour but d’identifier et de protéger des systèmes agricoles traditionnels qui, par leur ingéniosité, leur résilience écologique et leur richesse culturelle, méritent autant d’attention que des monuments classés à l’UNESCO.

En Chine, ce label résonne tout particulièrement : le pays a déjà fait reconnaître des dizaines de sites, du thé blanc de Fuding aux rizières en terrasses du Yunnan. Les poiriers du Gansu rejoignent ainsi une constellation de paysages agricoles vivants qui racontent la longue histoire des relations entre humains et nature.

 

Un terroir sec, une culture patiente

Le Gansu n’est pas une région “facile” : climat semi-aride, sols fragiles, pluies irrégulières. Cultiver ici demande de l’inventivité. C’est précisément ce qu’ont développé les habitants de Shichuan depuis plus de 500 ans.

Leur secret ? Associer vergers de poiriers, cultures intercalaires et petit élevage. Les arbres offrent ombre et microclimat, les cultures fournissent de la nourriture et fertilisent le sol, les animaux ferment le cycle par leurs apports organiques. Cette agroforesterie traditionnelle constitue un rempart contre la sécheresse et un modèle de durabilité.

Les techniques locales incluent l’art de creuser de petites cuvettes autour des troncs pour retenir l’eau de pluie, ou encore l’usage d’argiles et de badigeons naturels pour protéger les écorces des brûlures et parasites. Les paysans parlent de leurs poiriers comme de “trésors vivants”, transmis de génération en génération.

 

Entre mémoire et avenir

Pourquoi la FAO s’intéresse-t-elle autant à ces vergers ? Parce qu’ils montrent une voie : tenir dans la durée sans épuiser les ressources. Dans un monde marqué par la dégradation des sols, la raréfaction de l’eau et la pression de la monoculture, le modèle du Gansu rappelle qu’une agriculture diversifiée, locale et sobre peut être viable, même dans des conditions hostiles.

L’enjeu désormais est double :

  1. Maintenir les pratiques : la reconnaissance internationale s’accompagne souvent de pressions touristiques ou commerciales. Il faut que les communautés restent au centre de la gestion.

  2. Transmettre : documenter les savoirs paysans, former les jeunes, partager ces pratiques au-delà des frontières chinoises.

 
 

📚 Pour aller plus loin

  • FAO GIAHS (2025). The Pears of Shichuan in Gaolan, Gansu Province.

  • FAO China News (2025). Newly designated GIAHS sites.

  • Xu, J. & Li, H. (2023). Traditional agroforestry practices in arid northern China. Journal of Arid Environments.

  • Turner, M. (2024). Agricultural heritage systems and biodiversity conservation. Agriculture and Human Values.

 
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