La rose de Damas en sursis, entre guerre et sécheresse

Damascus Rose
 

La rose de Damas n’est pas seulement une fleur parfumée : c’est un héritage millénaire, un symbole de raffinement, de spiritualité et de résilience. Au cœur de la Syrie, dans le village d’al-Marah, elle façonne depuis des siècles l’identité des habitants et leur économie saisonnière. Mais la guerre, le dérèglement climatique et les sanctions internationales ont fragilisé cette culture au point de menacer sa survie. Aujourd’hui, les familles qui s’y consacrent luttent pour préserver bien plus qu’une plante : une mémoire vivante inscrite au patrimoine de l’humanité.

 

Une fleur, un héritage

La rose de Damas n’est pas qu’une note parfumée : c’est un symbole identitaire, une économie saisonnière et un savoir-faire transmis de génération en génération dans le village d’al-Marah, au nord de Damas.

En 2019, l’UNESCO a inscrit les « pratiques et savoir-faire liés à la rose de Damas d’al-Marah » sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité, consacrant l’importance de cette fleur pour les communautés locales. Mais cet héritage est aujourd’hui en danger. Avant la guerre, la Syrie produisait environ 80 tonnes de roses par an. En 2017, la récolte est tombée à 20 tonnes, faute de bras pour cueillir, d’accès sécurisé aux champs, et de distilleries opérationnelles.

Les festivals de la rose, moments de fête et de revenus pour les villages, ont été annulés. Les usines de transformation ont fermé sous les menaces ou faute de carburant. Dans certains cas, les récoltes ont même été menées sous les tirs.

 

Le climat aggrave la crise

Aux effets du conflit s’ajoutent ceux du climat. Sécheresses répétées, pluies imprévisibles, gelées tardives et vagues de chaleur perturbent la floraison. Dans certaines années, les roses éclosent toutes en même temps, obligeant les familles à récolter en urgence.

Les maladies cryptogamiques (rouille, oïdium) gagnent du terrain, fragilisant encore les cultures. Dans une région où les hivers enneigés assuraient jadis un équilibre hydrique, l’instabilité climatique efface peu à peu ces avantages naturels.

Et même lorsqu’elles parviennent à être récoltées, les roses subissent le poids des sanctions et des coûts. Les producteurs peinent à exporter leurs produits (eau de rose, huile essentielle, sirops) et à importer le matériel nécessaire. Le marché intérieur, affaibli, ne suffit pas à faire vivre les cultivateurs.

 

Des leviers pour l’avenir

Pourtant, la rose n’a pas disparu. Parce qu’elle est plus qu’un revenu : elle est mémoire, identité et fierté.

  • Relance locale : des associations et fondations œuvrent pour replanter, former les jeunes et valoriser la distillation.

  • Nouveaux marchés : certains producteurs cherchent à exporter vers la Chine ou le Golfe, où la demande pour les produits artisanaux syriens reste forte.

  • Diversification : la rose ne sert pas seulement à la parfumerie : elle est aussi confiture, thé, sirop et rituel, élargissant les débouchés possibles.

Le futur de la rose de Damas dépend de plusieurs facteurs clés :

  1. L’eau et le climat : restaurer les systèmes d’irrigation, introduire des porte-greffes plus résistants, et soutenir les récoltes lors des pics de chaleur.

  2. L’accès et la sécurité : garantir l’accès aux champs et aux ateliers de distillation, avec du carburant et des équipements fonctionnels.

  3. Les débouchés : développer une stratégie de mise en valeur patrimoniale (via l’UNESCO), créer des partenariats équitables et diversifier les produits exportés.

 

Une fleur pour incarner la survie

La rose de Damas a traversé les siècles, les empires et les guerres. Mais aujourd’hui, elle est fragilisée comme jamais. Pour les habitants d’al-Marah et des villages voisins, protéger la rose, c’est protéger leur identité, leur patrimoine et leur avenir économique.

Préserver ce savoir-faire, c’est donc bien plus que sauver une fleur : c’est défendre un filet de survie rural et une tradition vivante qui continue d’émouvoir le monde entier.

 

À découvrir

Si ce sujet de l’agriculture, des peuples face à la guerre et des impacts sur les pratiques paysannes vous intéresse, plongez dans notre ouvrage Cultivez en temps de guerre.

Ce guide unique rassemble des expériences de terrain, des témoignages d’agricultrices et agriculteurs exilés, ainsi que des techniques et conseils concrets pour cultiver l’autonomie même en contexte de crise, en cliquant ici.

 

Pour aller plus loin

  • UNESCO – Practices and craftsmanship associated with the Damascene rose in al-Marah (site officiel)

  • The National – Withered by war, Syria’s Damask rose is under threat

  • Irish Times – This is the source of our life: as climate changes, Damask roses are growing more scarce

 
Suivant
Suivant

Vétiver, la plante qui nettoie les sols au Burkina Faso