Vétiver, la plante qui nettoie les sols au Burkina Faso
Au Burkina Faso, les pollutions liées à l’orpaillage artisanal et à l’agriculture intensive menacent les sols, l’eau et la santé des populations. Face à ce défi, une plante discrète mais puissante attire l’attention : le vétiver (Chrysopogon zizanioides). Utilisé dans le cadre du Vetiver System, il s’impose comme une solution low-tech de phytoremédiation capable de restaurer les terres abîmées et de soutenir la souveraineté alimentaire.
Une urgence environnementale au Burkina Faso
Au Burkina Faso, l’orpaillage artisanal est devenu une source vitale de revenus pour des milliers de familles. Mais il s’accompagne de graves impacts :
usage du mercure,
dispersion de métaux lourds,
pollution des nappes et des sols.
Les cultures vivrières avoisinantes sont menacées et les solutions technologiques classiques restent hors de portée pour la majorité des villages.
C’est dans ce contexte qu’émerge une solution simple et locale : le vétiver (Chrysopogon zizanioides), une herbe tropicale déjà surnommée arme de dépollution massive.
Le vétiver, racines profondes et effets durables
Le vétiver est bien plus qu’une simple graminée. Grâce à son système racinaire dense et vertical, il agit comme un véritable filtre naturel. Ses racines, capables de plonger à plus de deux mètres de profondeur, stabilisent les sols fragiles et freinent l’érosion. Elles piègent également une partie des polluants : métaux lourds comme le cuivre, le cadmium, le plomb ou le mercure, mais aussi certains pesticides persistants. Cette capacité d’absorption s’accompagne d’un autre bénéfice : une amélioration de la structure du sol, qui retient mieux l’eau et retrouve peu à peu sa fertilité. Enfin, le vétiver se distingue par une résilience remarquable. Dans des conditions climatiques extrêmes, il continue de croître sans recours aux engrais ni aux intrants chimiques, offrant ainsi une solution durable et peu coûteuse.
Des résultats concrets au Burkina Faso
Depuis 2020, plusieurs sites pilotes, notamment à Nébia et Nimbrongo, ont confirmé l’efficacité du système vétiver. Les résultats sont frappants : en deux ans, la concentration de métaux lourds dans les sols a diminué de près de 50 %. Les haies de graminées jouent également un rôle protecteur pour l’eau, en filtrant le ruissellement avant qu’il n’atteigne les rivières et nappes phréatiques. Du côté agricole, les terres traitées retrouvent peu à peu leur vitalité : la fertilité s’améliore, l’humidité est mieux retenue et des espèces végétales locales refont surface. Cette restauration favorise aussi la biodiversité, car le vétiver crée un micro-habitat propice au retour d’insectes, d’oiseaux et de petites espèces animales.
Ces résultats ouvrent des perspectives bien au-delà des sites miniers. Dans les zones de culture de coton ou de maraîchage, souvent exposées aux pesticides et aux engrais, l’usage du vétiver pourrait constituer une barrière naturelle efficace pour contenir la dispersion des polluants agricoles.
Comment utiliser le système vétiver ?
Les communautés rurales peuvent l’adopter sans recourir à de lourds moyens techniques :
Haies en bordure de champs pour bloquer la dispersion des engrais et pesticides.
Bandes tampons entre zones minières et terres agricoles.
Rangées sur les pentes pour limiter l’érosion et conserver l’eau.
📌 Entretien recommandé : replanter après la saison sèche, maintenir une densité serrée (15–20 cm entre les plants), surveiller la biomasse pour éviter que les parties contaminées ne soient dispersées.
Forces et limites
Forces :
Faible coût, adaptation locale, action continue.
Pas besoin d’intrants chimiques.
Co-bénéfices pour l’agriculture (fertilité, biodiversité, eau).
Limites :
Le vétiver immobilise les polluants mais ne les détruit pas.
Gestion nécessaire de la biomasse contaminée.
Résultats variables selon le type de sol (lixisols, vertisols).
Une solution d’avenir pour le Burkina Faso ?
Dans un contexte où la pollution minière et agricole s’aggrave, le vétiver apparaît comme une alternative accessible et durable. Il ne remplace pas les politiques de régulation du mercure, mais il apporte une réponse immédiate, low-tech et respectueuse de l’environnement.
Plus qu’une plante, le vétiver devient ainsi un symbole d’agriculture résiliente, capable de redonner vie à des terres abîmées et de soutenir la souveraineté alimentaire du Burkina Faso.
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Pour aller plus loin :
Contexte mercure & ASGM / unités mercury-free au Burkina : pages et rapports planetGOLD/UNEP/GEF, dont l’ouverture d’une unité sans mercure (août 2022) et la revue de mi-parcours du projet.
Études au Burkina Faso (Cu, Cd ; sols tropicaux) : Abaga et al., Chemosphere (2014) ; autres travaux sur métaux mixtes et facteurs de translocation.
Haies de vétiver & agro-polluants / conservation des sols : notes réseau Vetiver et retours terrain (bordures de parcelles coton/maraîchage ; anti-érosion Plateau central).