Comment les arbres s’adaptent-ils (ou non) au changement climatique?
À l’heure où les canicules se succèdent, où les forêts brûlent, et où les sécheresses s’intensifient, les arbres, piliers du vivant, se retrouvent à la fois au cœur des dérèglements et au centre des réponses que nous tentons d’y apporter. Longtemps perçus comme immuables, capables d’endurer les cycles du temps, les arbres font aujourd’hui face à des bouleversements d’une rapidité inédite à l’échelle écologique. Comment s’adaptent-ils? Peuvent-ils réellement nous aider à freiner le réchauffement? Et quels sont les risques à mal les accompagner?
Un rôle fondamental dans l’équilibre climatique
Les arbres absorbent du dioxyde de carbone (CO₂) au cours de leur croissance, stockant ce carbone dans leur bois, leurs feuilles et leurs racines. Leur présence régule le climat local par l’évapotranspiration, participe à la formation des nuages, protège les sols de l’érosion et sert d’habitat à une immense biodiversité. Planter des arbres, ou restaurer des vergers dégradés, est donc régulièrement présenté comme une solution naturelle au dérèglement climatique.
Mais planter ne suffit pas. Encore faut-il comprendre quelles espèces, à quel endroit, dans quel contexte écologique et social.
En Europe, de nombreux arbres ne suivent plus
Selon une étude publiée en avril 2024 dans Nature Ecology & Evolution et relayée par Le Monde, près d’un tiers des espèces d’arbres européennes ne seraient plus adaptées aux climats futurs attendus d’ici la fin du siècle. Les chercheurs ont croisé la distribution naturelle de 69 espèces européennes avec les projections climatiques, et les résultats sont sans appel : la majorité des conifères, en particulier, risquent un déclin rapide si les températures et les régimes de précipitations évoluent comme prévu.
Sur le continent nord-américain, le constat est similaire. Des études menées par l’université de Penn State ont observé que certaines espèces de feuillus (comme le bouleau ou l’érable) montraient des signes de stress important dans leur aire actuelle, tandis que d’autres migraient progressivement vers le nord ou vers des altitudes plus élevées.
Planter des arbres : solution miracle ou leurre de verdure ?
La reforestation est souvent citée comme levier clé dans la lutte climatique. Une méta-analyse publiée dans Science en 2019 avançait que la plantation massive de 1 000 milliards d’arbres pourrait absorber près de 205 gigatonnes de carbone. Mais cette promesse cache plusieurs pièges : planter des arbres inadaptés au climat local, en monoculture, ou dans des sols pauvres, peut engendrer plus de déséquilibres que de bénéfices. Par exemple, l’introduction de Tamarix aphylla dans certaines régions d’Australie, bien qu’efficace contre la sécheresse, a provoqué des désastres hydriques et écologiques à long terme.
De plus, une forêt nouvellement plantée mettra des décennies à atteindre sa capacité maximale de séquestration. Dans l’intervalle, elle reste vulnérable aux incendies, aux ravageurs et aux aléas climatiques – qui, justement, s’intensifient.
Penser les arbres autrement
Dans les régions arides du Sahel ou d’Asie centrale, certaines espèces locales sont aujourd’hui étudiées pour leur résilience naturelle. Le Prosopis juliflora, avec ses racines profondes, ou le Faidherbia albida, qui perd ses feuilles pendant la saison des pluies et fixe l’azote, sont devenus des alliés précieux dans les projets d’agroforesterie. Ces espèces, sélectionnées pour leur sobriété hydrique et leur compatibilité avec les cultures vivrières, démontrent que l’adaptation est possible quand elle repose sur des savoirs écologiques locaux et une lecture fine des territoires.
Il ne s’agit plus seulement de “verdir” pour compenser, mais de penser avec les arbres, en tenant compte de leur temporalité, de leur rôle social, de leurs relations avec les autres espèces. L’ethnoagriculture, telle que la promeut Vergers du Monde, invite à croiser les savoirs scientifiques, les pratiques paysannes et les récits traditionnels pour construire une agriculture ancrée dans les défis actuels.