L'art ancien du plessage des haies

hedgelaying art
 

Dans bien des campagnes d’Europe, il fut un temps où les haies ne se plantaient pas : elles se plessaient. C’était un travail de patience, transmis à l’échelle d’un village ou d’un hameau, au rythme des saisons. En apparence simple, le plessage est en réalité tout un art : celui de tresser le vivant, de guider les rameaux sans les rompre, de faire frontière sans fermer. Aujourd’hui, alors que les haies reviennent au cœur des préoccupations écologiques, il vaut la peine de s’arrêter sur ce geste ancien, et sur ce qu’il dit de notre relation à la terre.

 

Un art ancien au cœur du vivant

Dans certaines campagnes anglaises, on croise encore ces haies tressées, penchées mais vivantes, comme si elles avaient appris à se plier sans rompre. Ces haies-là ne sont pas nées d’un hasard végétal : elles sont le fruit d’un savoir-faire ancien, transmis de main en main, appelé hedgelaying.

En français, on parle de plessage de haies. Un mot simple pour désigner une pratique subtile : il s’agit de fendre partiellement les jeunes troncs d’arbustes (noisetiers, aubépines, prunelliers...) pour les incliner sans les couper, et les tresser entre des piquets, afin de former une clôture vivante et impénétrable.

Partout en Europe, on retrouve des variantes de ce geste. En France, notamment dans le bocage bourbonnais, breton ou normand. En Allemagne (heckenschneiden), en Flandre, en Wallonie, ou encore dans les Alpes italiennes. Chaque région avait sa méthode, ses outils, ses rythmes. Mais partout, la haie était plus qu’un simple mur végétal : c’était une frontière poreuse, une ressource pour le bois, un abri pour les bêtes, un repère dans le paysage.

 
bocage

Une pratique qui parle du temps long

Plesser une haie, c’est penser à demain. C’est accepter que la clôture mette des années à devenir solide. C’est choisir le vivant plutôt que le barbelé. Un geste humble, mais porteur d’une vision du monde où l’on compose avec la nature au lieu de la contraindre.

Pendant des siècles, ces haies ont dessiné les paysages agricoles. Elles disaient les usages, les limites, les arrangements locaux. Puis, au XXe siècle, elles ont été arrachées, massivement. La modernisation de l’agriculture – celle des grands champs, du rendement, des engins larges – ne voulait plus de ces obstacles. Entre 1950 et 1980, on estime que près de 70 % des haies bocagères ont disparu en France.

 

Le retour d’un art paysan pour une écologie vivante

Mais les haies reviennent. Et avec elles, le plessage. Non pas par nostalgie, mais parce qu’on redécouvre tout ce qu’elles font sans bruit :

  • elles freinent l’érosion,

  • elles abritent insectes, oiseaux, petits mammifères,

  • elles brisent le vent et retiennent l’humidité,

  • elles tissent des corridors écologiques entre parcelles.

Le plessage, en cela, est plus qu’un savoir technique : c’est une manière de penser avec le paysage, de dialoguer avec le vivant. C’est un patrimoine immatériel aussi fragile que précieux, que certaines associations, agriculteurs et habitantes cherchent à préserver, transmettre, réinventer.

 
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