Le konjac : racine sobre, racine tenace
En 2024, nous faisions la rencontre de Nhung Nguyen Deroche, fondatrice de France Konjac. À quelques kilomètres d’Angers, au cœur du pays d’Anjou, elle cultive une plante qu’on ne s’attendrait pas à trouver là : le konjac. Une plante racine venue d’Asie, longtemps réservée aux épiceries spécialisées, et que Nhung a décidé de faire pousser, transformer et valoriser ici, en France. Une rencontre passionnante, inspirante, et l’occasion de poser cette question : qu’est-ce que le konjac, plante remède, plante monde, exactement ?
Une racine ancienne aux multiples visages
Le konjac, ou Amorphophallus konjac, appartient à la famille des Aracées, la même que celle des arums. Il pousse dans les régions chaudes et humides d’Asie du Sud-Est, notamment au Vietnam, en Chine, en Corée et au Japon, où il est cultivé depuis des siècles pour ses usages alimentaires et médicinaux. La plante produit un gros tubercule souterrain qui peut peser jusqu’à 4 kg. C’est de cette racine qu’est extraite la glucomannane, une fibre soluble exceptionnelle.
Le konjac est peu calorique, très riche en fibres, et forme un gel au contact de l’eau, ce qui en fait un allié prisé dans les régimes minceur, les régimes pauvres en glucides ou encore dans le cadre d’un contrôle glycémique.
Il est commercialisé sous forme de pâtes (les célèbres "nouilles shirataki"), de riz, de gélules, de blocs de gelée ou de poudre.
On retrouve le konjac dans la cuisine japonaise traditionnelle, notamment dans les plats mijotés ou les oden, mais aussi dans la pharmacopée asiatique, où il est utilisé pour soulager la constipation, réguler la glycémie et même dans certaines pratiques de jeûne.
Cultiver sans puiser, pousser autrement
D’un point de vue environnemental, le konjac présente plusieurs atouts indéniables. C’est une culture peu gourmande en eau, qui pousse principalement pendant la saison des pluies, sans besoin d’irrigation artificielle dans ses régions d’origine. Son cycle long (9 à 12 mois) permet une bonne gestion de la ressource et évite les pressions agricoles intenses.
La plante pousse sur des sols drainés, acides à neutres, et peut s’adapter à des terres dégradées ou marginales, ce qui en fait une candidate idéale pour des pratiques agricoles résilientes, dans des zones soumises à la sécheresse ou à l’érosion. En Asie du Sud-Est, notamment en Indonésie, Inde, Chine et Japon, le konjac est intégré dans des systèmes agroforestiers, parfois en interculture avec du maïs ou des arbres fruitiers.
Le konjac face aux frontières culturelles
Bien connu en Asie, le konjac reste peu intégré dans les habitudes alimentaires occidentales. Son goût neutre, sa texture gélifiée et sa forme inhabituelle en font un aliment difficile à adopter hors de son contexte d’origine.
C’est pourtant le pari qu’a fait Nhung Nguyen Deroche, fondatrice de France Konjac, en choisissant de le cultiver et de le transformer dans le paysage angevin. Fille de paysans vietnamiens, elle porte ce projet à la croisée des cultures et des savoirs, en construisant une filière agricole mais aussi un récit de transmission.
🎥 Elle raconte ce parcours, les défis liés au climat tempéré, et les premiers résultats, dans une vidéo à découvrir sur notre chaîne :
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Et ailleurs ? Aux États-Unis, le konjac est bien présent — dans les rayons diététiques, les régimes "low carb", les compléments alimentaires. Mais sa culture locale reste rare, freinée par le climat, les coûts de transformation, et un manque d’intérêt pour sa production à grande échelle. Au Royaume-Uni, même constat : le konjac est utilisé comme ingrédient fonctionnel dans des produits transformés, mais aucune filière agricole locale n’existe à ce jour. Ce sont ses usages, plus que la plante elle-même, qui circulent.
L’expérience de France Konjac ouvre ainsi une voie nouvelle : celle d’une acclimatation en contexte européen, à la fois agricole et culturelle, encore largement à construire.
Et demain, du konjac dans nos assiettes?
Plus qu’un produit, le konjac révèle les tensions et les possibles de nos systèmes alimentaires : ce qui circule facilement — les biens transformés — et ce qui résiste encore — les gestes, les sols, les pratiques.
En racontant son parcours et en cultivant ici ce qui semblait ailleurs, France Konjac rappelle que l’agriculture ne se résume pas à une logistique ou une niche, mais qu’elle engage des manières de faire monde, d’habiter, de transmettre.