Ce que l’histoire nous apprend sur l’autosuffisance alimentaire

préparer l'autosuffisance
 

Ukraine, Gaza, Soudan, Syrie… L’histoire se répète, toujours avec les mêmes images de silos vides, de champs abandonnés, de camions de ravitaillement bloqués par les combats. Mais derrière ces crises visibles, se cachent d’autres récits : des potagers improvisés, des poules qu’on élève sur les toits, des graines cachées dans une poche pour les saisons d’après. C’est dans ces interstices que renaît une question essentielle : comment devenir autosuffisant quand tout vacille ?

 

Le jardin face à la guerre

Durant la Première Guerre mondiale, les “jardins de la victoire” fleurissent dans les rues de Paris, les parcs de Londres, les terrains vagues de New York. L’objectif : produire localement, réduire la pression sur les circuits alimentaires nationaux, mais aussi donner un but à ceux qui restent.

À Cuba, lors de la Période spéciale des années 1990, l’agriculture urbaine devient une question de survie. Sans pétrole ni engrais, les habitants développent des systèmes ingénieux — organopónicos, composts, semences locales — pour vivre en autosuffisance alimentaire malgré le blocus. Ce n’est plus une utopie : c’est une tactique.

Ces expériences montrent que dans les pires contextes, les gestes agricoles reviennent. Planter, composter, stocker, élever, deviennent des actes de résistance.

 

De l'Éthiopie au Liban, en passant par les Balkans, les conflits ont toujours forcé les populations à se recentrer sur des formes agricoles sobres, résilientes, souvent communautaires.

Mais cette mémoire n’est pas que rurale. On la retrouve dans les bidonvilles urbains, dans les campements déplacés, dans les micro-jardins sur les balcons. Des pratiques paysannes de survie transmises à travers les crises, réactivées quand les systèmes s’effondrent.

Aujourd’hui encore, beaucoup de ces savoirs circulent à travers les diasporas. Ils dessinent d’autres réponses à une question de plus en plus posée : comment vivre en autosuffisance ?

 

De la question alimentaire à l’autonomie énergétique

Comment être autosuffisant en électricité quand l’État s’efface ? En temps de guerre, les réponses sont souvent locales : four solaire, poêle rocket, panneaux récupérés. Le low-tech devient un art de vivre.
Et pour la nourriture ? La question revient avec force :

  • Combien de m² pour être autosuffisant ?

  • Combien de poules pour nourrir une famille ?

  • Combien de litres d’eau par jour faut-il stocker ?

Autant de questions abordées dans le guide pratique Cultivez en temps de guerre, inspiré de ces expériences collectées par Vergers du Monde.

On y croise les agricultrices dalits du Telangana, les jardins suspendus de Syrie, les techniques d’éco-pâturage sahélien, ou encore les recettes d’un pain de guerre. Des gestes simples, anciens ou nouveaux, qui répondent à une seule préoccupation : comment atteindre l'autosuffisance alimentaire, même en période de chaos ?

 
aquaponie

L’exemple du camp de Tongogara

Au camp de réfugiés de Tongogara, au Zimbabwe, où vivent près de 15 000 personnes ayant fui les conflits d’Afrique australe, l’hydroponie est devenue un levier inattendu d’autosuffisance. Cette technique de culture hors-sol permet de faire pousser des légumes sans terre, en utilisant une solution nutritive et oxygénée — avec jusqu’à 90 % d’eau en moins que l’agriculture classique. Idéale quand les sols sont dégradés, trop secs ou inexistants, elle s’adapte à des contextes d’urgence.

Sarah M., réfugiée originaire du Mozambique, y cultive des légumes dans des modules simples et légers. Elle a tout perdu, mais cette activité lui permet non seulement de se nourrir, de vendre ses surplus, mais aussi de retrouver une forme d’ancrage. Une dignité. Un espace à elle.

Au-delà de la production, l’hydroponie devient ici un outil de cohésion sociale. Elle reconnecte les gestes à une utilité partagée, redonne du pouvoir d’agir. Dans ces lieux de grande précarité, l’ingéniosité devient une forme de souveraineté.

 

Vers une autosuffisance du XXIe siècle ?

L’autosuffisance alimentaire n’est plus un fantasme marginal, ni un héritage folklorique. Elle est devenue, pour beaucoup, une nécessité lucide, voire un acte politique. D’après les travaux du Centre for the Study of Existential Risk (Cambridge) ou encore les analyses de la FAO, les crises futures — climatiques, géopolitiques, énergétiques — renforceront la fragilité des chaînes alimentaires mondiales.

Dans ce contexte, la question "comment vivre en autosuffisance ?" se pose partout : dans les campagnes européennes, dans les villes sud-américaines, dans les zones déplacées d’Afrique de l’Est. Ce ne sont plus seulement des individus “préparés” (préppers), mais aussi des communautés entières qui cherchent à réduire leur dépendance, à retrouver une capacité d’agir collective, sobre, adaptée à leur sol, leur histoire, leurs moyens.

Et ce que les crises révèlent, c’est que la résilience ne se décrète pas : elle se cultive.

 
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